Assister à un spectacle est une expérience culturelle enrichissante qui n’est pas toujours accessible pour tout le monde. Malgré les progrès dans la sensibilisation à l’accessibilité, de nombreuses salles de spectacles présentent encore des obstacles physiques et sociaux qui excluent certains membres de la société. Pourtant, l’accès aux arts et à la culture pour tous·tes est un enjeu qui devrait concerner tous·tes les acteur·rice·s impliqué·e·s dans ce secteur.

Selon l’Enquête canadienne sur l’incapacité de 2022, près d’un million et de demi de personnes, soit 21% de la population québécoise de plus de 15 ans, ont une incapacité significative et persistante. Malgré un nombre élevé de personnes ayant un handicap, plusieurs salles de spectacles n’ont pas les dispositions nécessaires pour les accueillir.

De plus, certaines personnes requièrent l’aide d’un·e accompagnateur·rice pour se déplacer, s’orienter, se nourrir, communiquer ou socialiser et possèdent ainsi la Carte d’accompagnement Loisir (CAL), qui leur permet d’avoir à leurs côtés gratuitement un·e accompagnateur·rice. Malheureusement, même si l’accompagnateur·rice est davantage présent·e pour aider que pour assister au spectacle, ce ne sont pas tous les lieux de diffusion, festivals et promoteur·rices qui reconnaissent la CAL, obligeant ainsi les personnes avec un handicap à payer le prix deux fois pour pouvoir profiter d’un spectacle. Bien souvent, les personnes avec un handicap finissent par choisir leurs activités culturelles en fonction de l’accessibilité plutôt que du spectacle proposé.

Ainsi, lorsqu’il est question d’accessibilité dans le milieu des arts de la scène, il est important de favoriser l’inclusion et l’équité dans les lieux de diffusion, puisque l’accessibilité est bien plus qu’une question de conformité ou de bonne volonté ; c’est une célébration de l’inclusion et de la diversité.

Quelles sont les normes?

En matière d’accessibilité, la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) possède un chapitre dans son Code de Construction du Québec dédié à l’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées.

Pour les utilisateur·rice·s de fauteuils roulant, il est important que la salle de spectacle soit un parcours sans obstacles, de l’entrée de la pièce jusqu’aux places réservées aux personnes en fauteuil roulant. Cependant, lorsqu’un lieu de diffusion possède d’autres pièces que la salle avec sa scène, celles-ci ne seront pas forcément navigables pour les gens à mobilité réduite. De plus, si la salle de spectacle possède plus d’un étage avec des places assises, seul l’étage d’entrée doit respecter ces exigences.

Si la salle possède des sièges fixes, celle-ci doit avoir un nombre minimal de places pour les fauteuils roulants. Ce nombre minimal est déterminé en fonction du nombre de sièges fixes total. La RBQ impose qu’au moins deux de ces places pour fauteuils roulants soient contiguës. De plus, toutes les places ne peuvent pas être regroupées au même endroit et doivent donc être situées à différents endroits dans la salle.

À noter également que les banquettes de restaurants ainsi que les bars sont considérées comme des meubles et ne relèvent pas du Code. Les bâtiments construits avant 1976 ne sont également pas assujettis à ces normes, à moins d’avoir subi des transformations majeures.

Pour les gens ayant une déficience auditive, la RBQ exige que «les salles de spectacles qui ont de plus de 100m² de surface doivent être équipées d’aide à l’audition conformes à la sous-section 3.8.3.» Le Code suggère aussi de prévoir une boucle auditive ou à induction magnétique (dispositif permettant aux personnes sourdes ou malentendantes appareillées de mieux percevoir les sons) peu importe leur superficie.

Il est important de savoir que la RBQ n’impose aucune exigence pour rendre la scène accessible, négligeant ainsi le besoin de rendre les lieux plus inclusives pour les artistes avec un handicap. C’est le cas notamment pour le Centre culturel Le Griffon qui, avant d’organiser une soirée spéciale avec deux humoristes en situation de handicap, dont un à mobilité réduite, était complètement accessible, à l’exception de sa scène.

Salles de toilettes universelles

Bien sûr, comme n’importe quel bâtiment public, les salles de spectacles devraient toutes avoir des cabines de toilettes accessibles ou des salles de toilettes universelles. La RBQ encourage notamment à concevoir des salles de toilettes universelles, car les personnes ayant une incapacité physique peuvent plus facilement être accompagnées par leur aidant·e. Ces salles peuvent aussi être utilisées par les personnes âgées, les familles, les personnes non-binaires, etc, les rendant ainsi plus inclusives qu’une cabine.

De petits gestes qui font toute la différence

Être une salle de spectacle inclusive et accessible, c’est beaucoup plus que de suivre les normes et les exigences du Code de Construction du Québec. Plusieurs gestes simples et, surtout, moins coûteux, peuvent être exécutés pour que tout le monde puisse profiter de la salle de spectacle.

Être à l’écoute

Consulter régulièrement les personnes handicapées et les organisations de défense des droits telles que Kéroul, AlterGo pour recueillir leurs commentaires et améliorer les installations est une première étape pour rendre sa salle de spectacle plus inclusive.

En effet, les personnes ayant un handicap seront toujours les mieux placées pour tester les installations et pointer d’éventuels problèmes qui pourraient survenir. Après tout, ce sont elles qui en bénéficieront. Celles-ci pourraient également montrer directement ce qui est à améliorer pour s’assurer que d’autres personnes puissent profiter pleinement des représentations offertes.

De plus, Kéroul, organisme de soutien et de services aux personnes handicapées, met à disposition un Guide pour une expérience culturelle accessible et inclusive en plus d’offrir des services d’évaluation, de certification et des conseils pour améliorer l’accessibilité des établissements culturels.

Préparer leur expérience culturelle

Mettre à disposition le plan de la salle de spectacle, des photos ou vidéos lorsque celle-ci est vide est un excellent moyen d’aider les personnes ayant un handicap, principalement celles présentant une déficience intellectuelle, à faire moins face à l’inconnu au moment du spectacle. Les aider à se préparer permet de les aider à se familiariser avec la salle de spectacle et crée un sentiment de sécurité qui les pousseront à revenir ultérieurement.

Les salles de spectacle peuvent également fournir des guides de repères visuels et des documents préparatoires sur leur site Internet, en plus d’organiser des visites guidées sur demande pour permettre aux personnes de prendre connaissance à l’avance de l’état des lieux, l’éclairage, les bruits et même les odeurs.

Aménager une section pour personnes avec un handicap

Il est facile d’exiger un minimum de sièges lorsqu’il s’agit d’une salle de spectacle avec places assises ou mobiles. Toutefois, la Régie des bâtiments du Québec n’a aucune norme pour les salles de spectacles avec places debout.

Dans son guide, Kéroul explique l’importance de prévoir un espace réservé pour les personnes handicapées et d’y assurer la sécurité afin d’éviter que celles-ci ne soient bousculées durant la prestation. Une plateforme surélevée peut être aménagée en plus de réserver un espace devant la scène pour les personnes avec un handicap visuel.

Offrir des formations à son personnel

Comme l’OBNL Altergo le souligne, l’accessibilité universelle n’est pas seulement réalisable grâce à de meilleures infrastructures, mais grâce à une meilleure communication d’informations et de sensibilisation. En effet, en plus des barrières physiques, les personnes ayant une limitation fonctionnelle font souvent face à des barrières sociales. À cause des barrières de communication qui peuvent survenir auprès des personnes sourdes ou malentendantes ou bien dû au manque de sensibilisation face aux enjeux des personnes avec un handicap, le personnel a souvent peur de commettre une erreur ou d’offusquer quelqu’un, ce qui peut aboutir à des interactions maladroites de leur part.

Former le personnel et mieux les informer sur ces enjeux permet de répondre aux besoins des personnes handicapées plus facilement, de leur fournir l’assistance nécessaire et de mieux outiller ses employé·e·s pour qu’iels se sentent davantage en confiance et fassent vivre une expérience positive à tout le monde.

Conclusion

Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour que tous les lieux de diffusion soient accessibles et inclusifs pour toutes les personnes en situation de handicap. L’aménagement accessible d’une salle de spectacle doit être planifié autant pour les visiteur·rice·s que pour les artistes handicapé·e·s. Ce sont de petits gestes, de petits changements dans les lieux de diffusion qui permettent de rendre ceux-ci graduellement plus inclusifs. La culture doit être accessible à tous·tes si on veut la maintenir en vie!

Ressources

Aménager un espace – Ressources ERP. Enseignement de la technologie. 7531-ressource-salle-de-spectacle

Guide pour une expérience culturelle accessible et inclusive (2021). Kéroul. https://www.keroul.qc.ca/DATA/TEXTEDOC/Guide-Keroul—Pour-une-experience-culturelle-accessible-et-inclusive.pdf

Guide sur l’accessibilité des bâtiments (2022). Régie du bâtiment du Québec. https://www.rbq.gouv.qc.ca/fileadmin/medias/pdf/Publications/francais/guide-accessibilite-batiment_2022.pdf