À l’ère du numérique, la vente et l’achat de billets de spectacles n’aura jamais été aussi simple! Désormais, de nombreuses plateformes permettent d’acheter et de vendre, mais aussi de revendre et de transférer des billets en seulement quelques clics.
Malheureusement, cette facilité s’accompagne de risque. En effet, que ce soit pour un spectacle d’humour à Sherbrooke ou un festival qui se déroule à Saint-Bruno-de-Guigues, depuis les dernières années, la revente frauduleuse de billets est en augmentation dans les salles de spectacle de Québec.
Les implications
Acheter un billet d’un·e particulier·ère est chose commune dans le milieu culturel. Parfois, la vie fait en sorte qu’on doive se désister d’un spectacle, et revendre le billet permet de donner la chance à d’autres personnes de profiter de l’expérience à notre place. Le problème survient lorsque des gens décident de tirer profit de ce système, nuisant ainsi à l’écosystème culturel.
Certain·e·s fraudeur·se·s vont revendre le même billet électronique à plusieurs personnes. Le billet, quoique authentique, ne fonctionnera que pour la première personne arrivée au spectacle. Les autres détenteur·rice·s du billet se verront malheureusement refuser l’accès, puisque le billet aura déjà été utilisé.
Pour éviter de se faire prendre la main dans le sac, les fraudeur·se·s qui utilisent des sites de reventes comme Marketplace vont même jusqu’à se créer de faux profils et voler les photos de quelqu’un d’autre. En faisant ainsi, non seulement le profil semble être légitime et une personne de confiance, même si les gens qu’iels fraudent portent plainte, les autorités ne peuvent pas retracer la véritable personne derrière l’utilisateur·rice.
Les acheteur·se·s peuvent aussi être confronté·e·s à des sites miroir, qui adoptent une interface similaire et une adresse internet proche de l’originale. Ces sites frauduleux vont également faire croire qu’il ne reste pas beaucoup de billets afin de forcer l’acheteur·se à effectuer son achat prestement.
Les scalpers sont reconnu·e·s dans le monde de la fraude, car ces gens revendent les billets plus chers pour faire du profit et utilisent souvent des robots pour acheter des billets en masse, privant ainsi les vrais fans d’aller voir leurs artistes préféré·e·s. Le prix relativement élevé des billets a parfois pour effet de décourager de nombreux spectateur·rice·s de se déplacer pour leurs artistes.
Le gonflement des prix crée également des inégalités dans l’accès à la culture. En effet, ce fléau n’affecte pas seulement le portefeuille des spectateur·rice·s, mais nuit également aux artistes et aux lieux de diffusion, qui ne bénéficient pas des revenus générés par ces transactions. De plus, la prolifération des pratiques frauduleuses autour de la revente de billets affecte la confiance des consommateur·rice·s envers l’industrie du spectacle. Les spectateur·rice·s deviennent de plus en plus méfiant·e·s lorsqu’il s’agit d’acheter des billets en ligne, ce qui peut, à long terme, nuire à la fréquentation des événements culturels et déséquilibrer les revenus des artistes et des salles de spectacle.
Parfois, ce sont les plateformes de billets qui gonflent leur prix lorsque la demande est forte. Ce mécanisme, la tarification dynamique, est généralement utilisée dans la vente de billets d’avion ou les tarifs d’hôtels. En 2022, Ticketmaster a introduit la tarification dynamique dans le but de limiter la revente par les scalpers. Par contre, en agissant ainsi, certains spectacles très demandés finissent par doubler de prix en quelques heures, nuisant ainsi aux fans. Une action collective a d’ailleurs été déposée en août 2024 contre la tarification dynamique de Ticketmaster et s’adresse à tous·tes les consommateur·rice·s du Québec qui ont acheté des billets depuis le 26 juillet 2021.
Une demande d’action collective avait également été déposée contre Billets.ca et 514-Billets.com en 2023, lorsque l’organisme Options Consommateurs s’était aperçu que les deux plateformes de vente gonflaient les prix sans détenir les autorisations requises des producteur·rice·s de spectacles émises par l’article 236.1 de la Loi sur la protection du consommateur.
Les mesures mises en place
Face à l’augmentation des prix abusifs sur les sites de revente, notamment pour des événements populaires comme le Festival d’été de Québec (FEQ), le gouvernement du Québec a intensifié ses efforts pour encadrer la revente de billets, en réaction aux abus constatés lors de grands événements culturels.
De ce fait, celui-ci a mis en place sa Loi sur la protection du consommateur afin de donner des droits aux consommateur·rice·s dans leur relation avec les commerçant·e·s. L’article 236.1 concerne notamment la revente de billets de spectacles, interdisant les commerçant·e·s «d’exiger d’un consommateur·rice, pour la vente d’un billet de spectacle, un prix supérieur à celui annoncé par le/la vendeur·se autorisé·e par le/la producteur·rice du spectacle.»
Cette interdiction ne s’applique cependant pas aux commerçant·e·s qui satisfait les conditions suivantes :
- Obtenir, au préalable, le consentement du producteur du spectacle pour revendre le billet de spectacle à un prix supérieur;
- Effectue la revente dans le respect de l’entente qu’il a conclue avec le producteur du spectacle;
- Informer clairement les consommateur·rice·s avant la revente;
- de l’identité du vendeur autorisé visé au premier alinéa, du fait que des billets pourraient être disponibles auprès de ce dernier et du prix annoncé pour ces billets;
- du fait que le billet fait l’objet d’une revente et, le cas échéant, du prix de revente maximal auquel a consenti le producteur du spectacle;
- de la place ou du siège que le billet permet d’occuper, sauf lorsqu’aucune place ou aucun siège spécifique n’est accordé par le billet.
De plus, la loi n’encadre pas la revente entre particulier·ère·s, qui est la cause première de revente frauduleuse de billets de spectacles. En décembre 2023, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, a d’ailleurs remis un nouveau mandat à la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré, Kariane Bourassa, afin de redresser les règles pour la revente des billets de spectacles. Cette décision a été prise après la cérémonie nationale en hommage à Karl Tremblay, où les billets gratuits étaient revendus à des prix forts.
À cause de cette lacune dans la loi, l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) et l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles (RIDEAU) s’étaient notamment réunies en septembre 2023 pour lancer une campagne de sensibilisation afin de prévenir le public aux risques de la revente. L’année précédente, l’ADISQ avait aussi lancé une initiative où plusieurs personnalités connues sensibilisaient le public à travers une série de capsules vidéo.
L’Office de la protection du consommateur dispose aussi d’une fiche-conseil afin d’aider le public à acheter des billets de spectacles sans tracas.
Exemples d’encadrement législatif à l’international
Plusieurs pays ont adopté des lois rigoureuses pour encadrer la revente de billets et protéger les consommateur·rice·s. En Australie, notamment dans les États de la Nouvelle-Galles du Sud et de Victoria, la revente de billets à plus de 10 % au-dessus de leur prix d’achat initial est interdite. Les contrevenant·e·s s’exposent à des amendes allant jusqu’à 110 000 $ pour les entreprises et 22 000 $ pour les individus. Ces lois visent à limiter la spéculation et à garantir que les billets restent accessibles au plus grand nombre.
En Irlande, la loi sur la revente de billets, adoptée en 2021, interdit toute revente au-dessus de la valeur faciale du billet. Les sanctions peuvent atteindre 100 000 € d’amende ou deux ans de prison. Cette législation s’applique principalement aux grands événements culturels et sportifs, afin de préserver un accès équitable pour tous les spectateur·rice·s.
Les effets positifs de ces mesures sont clairs : elles permettent de limiter l’inflation des prix causée par les revendeur·se·s et assurent que davantage de consommateur·rice·s puissent acheter des billets à des prix raisonnables. En protégeant les spectateur·rice·s contre les pratiques abusives, ces législations contribuent à un accès plus juste à la culture et aux divertissements.
Les recours possibles
Présentement, les options de recours sont assez limitées et parfois peu efficaces. Lorsque le mal est déjà fait, les particulier·ère·s peuvent, entre autres, essayer d’obtenir un remboursement en effectuant une réclamation directement auprès de la plateforme de revente.
Iels peuvent également déposer une plainte auprès des autorités en montrant des preuves, comme la copie du faux billet acheté, les conversations avec le/la vendeur·se, etc). Et, si d’autres personnes portent plaintes contre la même personne ou plateforme, cela peut se transformer en action collective.
Iels peuvent aussi signaler le problème au producteur·rice du spectacle non pas pour se faire rembourser, mais pour aider à contrer les prochaines tentatives.
Comment faire attention
La vigilance est clé pour éviter de se faire frauder. Si l’offre semble trop bonne, c’est peut-être parce qu’elle n’est pas vraisemblable. Voici donc quelques trucs pour acheter des billets en toute sécurité.
Acheter auprès des billetteries officielles
Plusieurs salles de spectacles n’utilisent qu’un seul site de billetterie officielle. Cela peut être, par exemple, leur site personnel ou bien des plateformes comme Lepointdevente. Acheter directement des billetteries officielles garantissent l’authenticité des billets.
Se méfier des aubaines
Un prix inférieur au prix des billetteries officielles est souvent signe qu’il y a anguille sous roche. Vous pouvez toujours consulter différents sites pour vous assurez de bien payer le bon prix.
Acheter le billet en personne
Le risque de fraude est toujours plus élevé lorsqu’on magasine en ligne, car l’interaction peut se faire avec une fausse identité et que la transaction est automatique et irréversible. Le moyen le plus efficace d’éviter la fraude en ligne est d’acheter le billet en personne. D’une part, rencontrer le/la vendeur·se permet de s’assurer que le billet est authentique. D’autre part, cela permet également de payer au moment de l’échange évitant ainsi de payer sans rien recevoir en retour.
Payer avec une carte de crédit ou PayPal
Certaines méthodes de paiement en ligne peuvent vous garantir une certaine protection en cas de fraude. Payer avec une carte de crédit permet d’effectuer une rétrofacturation et de vous faire rembourser par votre institution financière. L’Office de la protection du consommateur a d’ailleurs publié une Démarche pour annuler un achat en ligne pour les achats par Internet.
L’entreprise américaine de service de paiement en ligne Paypal est aussi un mode de paiement sécuritaire, car le service offre une Protection contre la fraude en plus d’une garantie contre la fraude qui couvre les billets de spectacle. Les utilisateur·rice·s ont 180 jours pour déposer une réclamation.
Conclusion
La revente frauduleuse de billets est un phénomène qui perdurera tant et aussi longtemps que la vente de billets existera. Il devient de plus en plus facile pour les fraudeur·se·s de profiter de l’enthousiasme des acheteur·se·s grâce aux sites de revente qui ne peuvent empêcher la revente entre particulier·ère·s. Pour l’instant, il en convient donc à chacun·e d’entre nous de faire attention lorsque vient le temps d’acheter un billet.