2024 a été, encore une fois, une année remplie de défis pour l’avenir des lieux de diffusion. Avec le dévoilement du budget provincial et fédéral qui a débuté l’année de façon salée, plusieurs salles ont également cessé leurs activités pour diverses raisons, notamment La Tulipe, le Café Bistro Mouton Noir, ainsi que le Centre culturel Le Griffon.
Rappelons que le budget 2024-2025 du Québec, présenté par la Coalition Avenir Québec, n’avait attribué aucun support financier aux lieux de diffusion indépendants, malgré la demande de 7,7 millions de dollars pour les diffuseurs pluridisciplinaires faite par l’Association professionnelle des diffuseurs de spectacles (RIDEAU) qui réunit 350 salles de spectacles et festivals. Le budget fédéral 2024-2025 du gouvernement Trudeau, quant à lui, avait investi davantage dans le Fonds du Canada pour la présentation des arts (FCPA), fonds qui soutient les lieux de diffusion à but non lucratif. Cette aide exclue cependant les salles de spectacles à but lucratif qui participent pourtant au même niveau à l’essor de la culture.
L’année 2025 s’annonce ainsi remplie d’incertitudes et de revendications quant au sort des lieux de diffusion qui dépendent des subventions pour continuer à exister et soutenir la création, malgré leur importance dans la culture.
L’importance des lieux de diffusion
Au même titre que les salles de spectacles de grande envergure telles que le Stade Olympique, le Centre Vidéotron ou le Centre Culturel Desjardins, les plus petits lieux de diffusion sont des joueurs vitaux pour le secteur culturel. En effet, le terme «petit lieu de diffusion» désigne des salles pouvant accueillir entre 50 et 300 personnes, voire jusqu’à 500, mais n’affecte aucunement son apport à la culture qui est tout aussi important que les salles pouvant accueillir des milliers de spectateur·rice·s.
À cet effet, RIDEAU démontre que, «chaque année, ces salles produisent un chiffre d’affaires évalué à 294,2 M$ et un montant de près de 60 $ est investi par spectateur·rice, par soirée, dans l’économie locale.»1https://www.theatredelaville.qc.ca/nouvelles/un-investissement-necessaire-pour-preserver-nos-salles-de-spectacle-partout-au-quebec/
En plus de générer des retombées économiques, ces lieux de diffusion participent à la vie locale et culturelle des communautés qu’ils desservent et dynamisent l’offre culturelle en fournissant une plateforme aux artistes émergent·e·s, mais également aux artistes de la relève. En effet, 80 % des spectacles musicaux professionnels au Québec se tiennent dans des espaces indépendants.2https://web.ocpm.qc.ca/sites/default/files/pdf/P126/8-55_SMAQ_0.pdf
Avec l’inflation et la tarification dynamique qui affecte le prix de certains spectacles, assister régulièrement à des spectacles dans les salles d’envergure devient un luxe que peu de gens peuvent se permettre. Pour ceux et celles désirant tout de même soutenir les spectacles vivants, les petits lieux de diffusion restent une porte d’accès vers les arts de la scène.
À quoi servent les subventions?
De façon générale, les subventions sont nécessaires au fonctionnement d’une salle de spectacle. En effet, leurs revenus autonomes générés par les lieux de diffusion ne suffisent souvent pas à couvrir les coûts élevés associés au fonctionnement comme les salaires, l’entretien des infrastructures et les activités de programmation, tout en maintenant des tarifs accessibles au public.
De plus, la venue d’artistes provenant de régions éloignées peut entraîner des frais supplémentaires, notamment pour les déplacements et l’hébergement, augmentant ainsi leur cachet. Les subventions permettent donc aux salles de proposer une programmation variée et abordable, tout en offrant des conditions attractives pour attirer des artistes d’ailleurs.
Certaines subventions répondent aussi à des besoins spécifiques des salles de spectacles qui sortent de leur fonctionnement comme des travaux d’insonorisation ou l’organisation d’un festival. Ce soutien financier aide les salles à entreprendre des projets ambitieux, renforçant leur rôle d’acteur culturel et enrichissant leur offre au public.
Pas facile pour toutes les salles
Malgré les subventions disponibles, plusieurs facteurs font en sorte que le soutien financier reste en deçà des attentes des salles de spectacles.
En effet, les critères d’éligibilité des subventions excluent bien trop souvent des salles qui ne répondent pas à leurs exigences spécifiques. Le fait, par exemple, que certaines subventions n’acceptent que des modèles d’affaires spécifiques conduit à l’exclusion de nombreuses salles de spectacles tierces.
Il arrive également que les bars et les restaurants opèrent comme des salles de spectacles sans avoir le statut officiel de salles de spectacles. Cependant, certaines subventions exigent que le lieu ait une reconnaissance officielle.
Le lieu de diffusion doit alors choisir entre renoncer à la subvention ou entreprendre des démarches pour satisfaire aux critères d’éligibilité. Dans ce dernier cas, cette démarche n’est pas sans complications. L’obtention du permis de lieu de diffusion s’avère être un processus coûteux et long, et la réponse peut arriver après la date limite de la subvention. De plus, le lieu de diffusion court aussi le risque de se voir refuser son permis, entraînant une perte financière significative qui aurait pu être investie dans d’autres projets.
Aussi, même si la salle de spectacle parvient à obtenir du financement, l’aide ne couvre qu’une partie des frais liés à sa gestion. Souvent, les dépenses éligibles excluent celles qui, bien que non directement liées à la culture, sont essentielles à la gestion d’une salle de spectacle, telles que les frais de comptabilité.
En résumé
- Les salles de spectacles sont bien plus que des lieux de divertissement : ces espaces de rencontre, de création et d’expression sont le cœur battant de notre culture et de nos communautés.
- Leur pérennité repose souvent sur des subventions qui permettent de compenser des revenus limités et de maintenir une accessibilité pour le public.
- Un soutien accru et constant est indispensable, car plusieurs de ces lieux de diffusion ne pourraient survivre sans, mettant en péril la diversité culturelle et l’épanouissement des artistes.
- Investir dans leur avenir, c’est investir dans un patrimoine vivant qui bénéficie à toute la société.