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Contrer la pénurie de main d’œuvre : une personne à la fois
Contrer la pénurie de main d’œuvre : une personne à la fois

Ce n’est une surprise pour personne: la pénurie de main d’œuvre dans le milieu du spectacle se fait encore ressentir depuis la pandémie et même avant. Difficile de convaincre les gens de venir travailler dans une salle de spectacle si le salaire n’est pas compétitif ou que les conditions de travail ne semblent pas optimales comparé à d’autres secteurs.

Pourtant, des salles indépendantes parviennent tout de même à animer leur quartier et territoires avec des spectacles de tous genres. Grâce à différentes façons de gérer leur établissement, certaines salles membres des SMAQ n’ont jamais connu de pénurie, et d’autres naviguent à travers ce problème via différentes solutions.

La petite histoire de la pénurie de main d’œuvre

La pénurie de main d’œuvre était déjà un problème avant 2020. La pandémie a cependant été un coup dur pour les salles de spectacles. Pendant un moment qui a semblé une éternité, les salles de spectacles ont dû fermer temporairement, laissant leurs employé.es au chômage. Plusieurs ont donc changé de métier pendant cette période. Mais le problème, c’est qu’à la réouverture des salles de spectacles, plusieurs employé.es ne voulaient plus retourner dans le milieu des arts de la scène, car les conditions de travail n’arrivaient pas à accoter celle de leur nouvel emploi. Entre 2019 et 2021, c’est plus de 23 300 personnes qui ont quitté le secteur culturel!

Un autre obstacle au recrutement de main d’œuvre est la distance. Pour des régions avec une bonne population, le problème est moins présent mais, pour les villes ou villages éloigné.es des grandes villes, trouver des travailleur.ses de la culture devient de plus en plus difficile. La vie culturelle dans ces régions éloignées est beaucoup moins dense. Les travailleur.ses doivent donc avoir un emploi dans plusieurs salles, ou bien doivent se déplacer de Montréal ou Québec pour venir en région.

Le gouvernement fédéral et provincial a su venir en aide lors de la pandémie avec, respectivement, les mesures de soutien aux secteurs de la culture, du patrimoine et du sport et le Plan de relance économique du secteur culturel. Cependant, la plupart de ces aides ont pris fin et aucune aide supplémentaire n’est venu. Pour des établissements comme le Pit Caribou, situé à la Percé, l’objectif de renforcer leur positionnement dans la vie culturelle de leur région n’est pas tenable. Sans aide financière, difficile de faire venir des travailleur.ses culturel.le.s jusqu’en région ou d’offrir un cachet assez convaincant aux artistes.

De plus, plusieurs salles diffuseuses sont également des restaurants, des microbrasseries, des auberges et même des centres de locations d’équipements de sports de plein air. Cette diversification dans leurs activités signifie d’autres problèmes comme une multiplication des responsabilités pour l’administration et un manque de main d’œuvre pour le restaurant ou l’auberge.

Avec un personnel réduit, plusieurs salles de spectacles peinent à maintenir la reprise de leurs activités. Ce déséquilibre a parfois forcé les salles de spectacles comme Culture Trois-Rivières à annuler des spectacles par manque de personnel, réduisant leurs revenues et les empêchant ainsi d’engager d’autres employé.es. Un véritable cercle vicieux.

Plusieurs salles se font acheter par des compagnies comme Live Nation. La compagnie américaine assure leur pérennité, mais leur font perdre leur statut de salle indépendante, contrôlant leurs affaires, augmentant le prix d’entrée et imposant des frais de services. Depuis le lancement de son programme On the Road Again, Live Nation attire également les travailleur.ses du spectacle vivant dans ses salles avec sa rémunération compétitive en plus d’offrir d’éventuelles primes. Cette rivalité est davantage présente à Toronto, ou l’entreprise possède déjà six salles de spectacles, mais pourrait s’étendre jusqu’à notre province avec le temps.

 

Que peuvent faire les salles de spectacles indépendantes?

Bien souvent, les médias parlent des grandes salles de spectacles ou bien du milieu de la culture plus largement. Mais qu’en est-il des salles de spectacles indépendantes ou encore des microbrasseries, restaurants et autres diffuseurs alternatifs? Comment est-ce que ces établissements font face à la pénurie de main d’œuvre?

Quelques salles comme le Café du Clocher ou le Verre Bouteille ont su garder leur équipe qui est restée malgré après la pandémie. D’autres salles, quant à elles, se sont tournées vers d’autres moyens pour faire face à ce problème.

 

Bénévolat

Pour certains établissements comme le Centre culturel Le Griffon et Sutton Encore, l’essentiel des activités s’appuie sur le bénévolat. Étant situé respectivement à Gaspé et à Sutton, les deux établissements bénéficient d’un sentiment de communauté forte et d’une gang de bénévoles qui s’impliquent et qui se renouvellent à travers les générations. Le bénévolat devient plus qu’une activité pour les gens de ces communautés, mais un véritable soutient à la culture, l’économie et le vivre ensemble local.

Les bénévoles peuvent bénéficier de certains avantages, comme des spectacles gratuits, de réductions sur les consommations et autres privilèges comme une soirée de reconnaissance à leur égard.

Cependant, puisque le bénévolat repose souvent sur l’esprit d’appartenance à la communauté, il est important de revigorer l’idée même du bénévolat, de la vie communautaire, spécifiquement chez les plus jeunes générations qui n’ont plus la même habitude que leurs ainé.es de faire du bénévolat. Il faut montrer que s’impliquer dans la vie culturelle de son territoire aide la communauté, que ça permet un accès à la culture plus simple et que donner de son temps n’est pas synonyme d’en perdre.

Toby Germain, le directeur général (par interim) du Centre culturel Le Griffon, soutient l’importance d’aller chercher dans les générations plus jeunes, moins portées par le bénévolat. Organiser des activités les rejoignant, ajuster la programmation sont des manières de les attirer et de leur transmettre ce sentiment de fierté de village.

Le sentiment de communauté ne s’arrête pas qu’aux jeunes. Convaincre les touristes de venir s’installer, les faire tomber en amour avec les petites villes, permet de garder une population dynamique et d’impliquer plus de gens.

 

 

Utiliser les forces de ses bénévoles

L’administration dans la gérance de salles de spectacle est un travail qui se fait souvent seul.e. La personne en charge doit s’occuper des demandes de subventions, de la programmation, de gérer les réseaux sociaux, de gérer les employé.es et/ou les bénévoles. Beaucoup de chapeaux à porter pour une seule personne.

Étant donné que Sutton Encore fonctionne grâce aux bénévoles à la billetterie et au bar, Vanessa Lauzon envisageait la possibilité d’ouvrir certaines tâches à d’autres volets comme les réseaux sociaux ou la distribution d’affiche aux bénévoles désirant s’impliquer davantage.

Déléguer les tâches plus simples à des gens désireux.ses d’aider permettrait ainsi à la personne en charge de l’administration de se concentrer sur les tâches propres à la gestion d’un lieu.

 

Renforcer le sentiment de communauté

Pour certaines salles en régions, le sentiment de communauté fort est important pour le bon déroulement des activités. Ce sentiment d’appartenance, ce n’est pas juste à une ville, mais peut s’étendre à un endroit, un événement phare ou bien des gens. Lorsque les gens prennent à cœur la survie de cet endroit, iels ont plus tendance à s’impliquer et prendre des actions concrètes pour participer.

La Pointe Sec, par exemple, est gérée par la coopérative La Machine à Truc, ce qui signifie que plusieurs personnes sont propriétaires, créant ainsi un sentiment d’appartenance à la salle située à Saint-Maxime-du-Mont-Louis. Ainsi, tous.tes les membres de la Coop veulent la pérennité de l’établissement et sont impliqué.es pour la garder en vie.

Comme quoi l’union fait réellement la force!

 

Aller directement à la source

Plusieurs emplois dans le milieu des arts de la scène comme technicien.ne de son ou technicien.ne de scène nécessite une formation. Qui dit formation dit école dit établissement rempli d’élèves souhaitant travailler dans le milieu du spectacle. Certaines salles de spectacles sont assez chanceuses et sont situées à proximité d’une école de formation. C’est d’ailleurs ce que fait le Café du Clocher, situé à proximité du Collège d’Alma, qui offre un programme en Technologies sonores.

 

Les souhaits pour l’avenir

Si les salles de spectacles semblent naviguer à travers le problème, celui-ci est loin d’être réglé. Avec un taux d’inflation assez important (3%), les conditions de travail en terme de salaire dans les salles de spectacles ne peuvent pas s’améliorer. À cela s’ajoute tous les autres problèmes reliés au métier dans le milieu du spectacle vivant, tels que la perte d’audition dû à l’exposition constante de sons forts, de la fatigue mentale et physique et les horaires irréguliers. plusieurs méthodes pourraient leur être bénéfiques sur le long terme.

Comment faire pour passer au travers de ces embûches?

En ce qui concerne la pénurie de main d’œuvre, quelques méthodes suggérées par nos membres SMAQ pourraient aider un peu à pallier le manque d’employé.es.

 

Mutualisation des ressources

Certains postes n’ont pas besoin d’être à temps plein lorsque la charge de travail est minime ou sporadique. C’est souvent le cas pour les postes de technicien.nes de son ou de scène dans les salles ou la programmation est concentrée davantage autour de la fin de semaine que la semaine. Les postes en administratifs peuvent également être mutualisés comme en RH ou en comptabilité.

Mutualiser des ressources communes entre les membres d’un groupe permettrait à toutes les salles de bénéficier de la ressource en question quand le besoin est nécessaire. Ainsi, comme l’a suggéré Cédric Francoeur du Pit Caribou, créer un réseau des travailleur.ses culturel.les entre salles de spectacles rendrait la charge de travail plus intéressante pour les travailleur.ses sollicité.es et rempliraient les petits besoins de chaque salle de spectacle impliquée sans que celles-ci ne se mettent des bâtons dans les roues et fassent appel à la même personne.

La mutualisation de ressources peut également se faire afin de faciliter la recherche d’emploi. Compétence Culture a justement lancé Cultive.ca, un babillard qui recense tous les emplois dans le secteur des arts et de la culture. Le seul hic, c’est que ce babillard est payant, ce qui empêche plusieurs offres de se faire publier là par souci financier.

Les SMAQ exploite également ce concept à travers son bottin des travailleur.ses culturel.les, accessible pour ses membres, et en relayant les offres d’emplois de ses membres sur son site et ses réseaux sociaux (FacebookInstagram et Linkedin). De plus, les SMAQ mutualise également un poste en Ressource Humaine avec d’autres associations tels que le REFRAIN et la RQD.

 

Subventions

Comme toujours, l’aide financière sous forme de subvention joue un rôle crucial pour la survie des salles de spectacles, et particulièrement celles en régions. Vanessa Lauzon, directrice de Sutton Encore, explique que le subventionnement de la Ville de Sutton, la députée Isabelle Charest, de Matera Brasseurs, la SODEC ne couvre que le fonctionnement de base de la salle et qu’une subvention pour l’achat d’équipement, nécessaire pour augmenter les besoins techniques, ne viendrait pas avant 2025.

Il faut donc continuer à mettre de la pression au gouvernement comme avec l’initiative #Avenirduspectacle afin que celui-ci continuent d’investir dans la pérennité du spectacle vivant.

 

Le plus important

La pénurie de main d’œuvre dans le milieu du spectacle ne se réglera pas en un claquement de doigts. Une situation stable peut vite tourner au vinaigre, tout comme des moments difficiles peuvent laisser place à une période de prospérité.

Malgré les conditions difficiles, les salles de spectacles continuent de faire preuve de résilience à vouloir offrir le meilleur pour ses client.es. De plus, on peut constater que, durant des périodes plus éprouvantes, ce qui ressort le plus de tout cela est l’entraide entre les membres d’une même équipe, entre salles de spectacles et entre les membres d’une communauté afin de faire perdurer quelque chose qui nous tient tous.tes à coeur : le milieu du spectacle vivant.