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Seules devant le silence, La Tulipe et le triste sort des salles de spectacles montréalaises
Seules devant le silence, La Tulipe et le triste sort des salles de spectacles montréalaises

Montréal, 30 septembre 2024 | Face à l’extinction silencieuse de plusieurs lieux de diffusion culturelle à Montréal, la communauté artistique se mobilise. Dans un article poignant publié dans Le Devoir, Jon Weisz, directeur général des Scènes de Musique Alternatives du Québec (Les SMAQ), tire la sonnette d’alarme sur la situation alarmante que vivent nos salles de spectacles. Entre fermetures et déserts culturels naissants, il dresse un portrait saisissant de l’importance cruciale de préserver ces lieux d’expression et d’échange. À travers ce texte, Jon Weisz nous rappelle qu’en perdant nos salles, c’est toute une part de notre identité artistique qui s’efface. Nous vous invitons à lire cet article essentiel pour comprendre les enjeux actuels et l’avenir de nos salles de spectacles.

 

© La Tulipe/Facebook

 

La semaine passée, la fermeture de La Tulipe, salle emblématique du Plateau Mont-Royal, a créé une onde de choc dans le milieu culturel montréalais. La Cour d’appel du Québec a ordonné la cessation de toute amplification sonore après qu’un promoteur immobilier voisin a invoqué avec succès les règlements municipaux sur le bruit. Cette décision est un rappel des défis auxquels font face les lieux de diffusion culturelle à Montréal.

La Tulipe n’est que le dernier d’une série de lieux touchés par des règlements sur le bruit. Bien que ces règlements destinés visent à protéger la qualité de vie des résidents, ils négligent les besoins spécifiques des salles de spectacle.

En criminalisant à la fois la musique live et enregistrée, ces règlements interdisent toute forme de son amplifié audible en dehors des murs des salles de spectacle, ce qui limite leur capacité à instaurer une ambiance dynamique dans une ville réputée pour son effervescence. De plus, ils imposent des amendes pouvant atteindre 12 000 $, ce qui met en péril l’avenir de ces espaces culturels.

En tant que directeur général des Scènes de musique alternatives du Québec (les SMAQ), l’association qui représente les lieux de diffusion indépendants à travers la province, j’ai reçu de nombreuses demandes d’entrevues à la suite de la décision de la Cour d’appel et de la fermeture de La Tulipe. Lorsque l’on me demande si je suis surpris par cette tournure des événements, ma réponse est malheureusement non. Bien que je sois profondément bouleversé et déçu, cela ne me surprend pas. Cette situation résulte d’une exclusion systémique, d’un manque de respect et d’une négligence chronique envers les salles de musique indépendantes de notre ville.

Le cas particulièrement marquant de La Tulipe est révélateur d’un problème plus large. Les règlements municipaux, combinés à des procédures bureaucratiques lourdes et à un manque de soutien financier (ou à son absence), compliquent considérablement la viabilité des salles de spectacle. La position hypocrite de la Ville sur la musique live est un exemple flagrant de la relation tendue entre notre secteur et les instances publiques, que ce soit au niveau municipal, provincial ou fédéral. Cette situation souligne un besoin criant de réajustement des politiques publiques en matière de musique live.

Les salles de musique indépendantes accueillent plus de 80 % des concerts professionnels au Québec, y compris à Montréal. Presque tous les artistes locaux et canadiens s’y produisent. La majorité des musiciens de Montréal, du Québec et du Canada gagnent l’essentiel de leurs revenus grâce à ces salles, qui jouent aussi un rôle clé dans l’émergence des talents locaux et nationaux.

Sans ces petites scènes, il n’y aurait pas de grandes scènes, et c’est grâce à ces lieux que les artistes finissent par jouer sur les scènes les plus prestigieuses de notre province et de notre pays. Malgré leur rôle crucial dans la promotion et le développement des artistes locaux et nationaux, ces salles de musique indépendantes bénéficient de très peu d’aide financière publique, qui sont quasiment inexistantes tant au fédéral qu’à l’échelle municipale de Montréal.

Bien que le gouvernement provincial ait lancé un projet pilote doté d’un budget d’un million de dollars pour soutenir ces établissements, soulignons toutefois que les critères de ce programme excluent la plupart des salles montréalaises. De plus, cette somme est dérisoire comparée aux autres programmes culturels du ministère de la Culture et des Communications, dont le budget annuel atteint un milliard de dollars. En toute franchise, il est évident qu’il manque désespérément d’initiatives pour répondre aux besoins urgents de ce secteur.

Ces lieux font également face à des hausses de coûts vertigineuses : une inflation de plus de 40 % dans le secteur, une baisse de fréquentation de 20 %, une pénurie de main-d’oeuvre, ainsi qu’une crise de santé mentale parmi le personnel et les exploitants. À cela s’ajoutent des augmentations massives de loyers et, oui, les plaintes de bruit, qui conspirent actuellement pour éliminer la musique live de notre paysage urbain. Malgré tout cela, les salles continuent de soutenir l’industrie musicale à Montréal et au Québec, fonctionnant avec des marges minimales et dans des conditions économiques difficiles. Elles le font par passion et par amour des arts, bien que ces réalités économiques rendent la situation insoutenable.

La musique live à Montréal est à un tournant critique, et des mesures concrètes doivent être prises sans délai. Il ne s’agit pas de blâmer un individu ou un parti politique, mais de reconnaître, collectivement, l’importance que nous souhaitons accorder à la musique et à la culture dans notre ville. Ces lieux de diffusion, piliers de notre scène artistique, ne survivront pas sans un soutien immédiat et substantiel. Si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons de les perdre à jamais, ce qui laisserait un vide irréparable dans le paysage culturel montréalais et dans nos vies.