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Pas de spectacle sans son : le problème des plaintes
Pas de spectacle sans son : le problème des plaintes

C’est autour du 20 novembre 2023 que le Turbo Haus a reçu un avertissement de la Ville de Montréal de réduire le bruit, sous peine de recevoir une amende pouvant atteindre 12 000$. Encore une autre salle qui doit faire face à des plaintes pour bruit.

Ce n’est ni la première ni la dernière fois que ce problème survient. Rappelons-nous du Divan Orange, du Café Sarajevo, Les Bobards et Le Scaphandre qui ont tous mis la clé sous la porte à cause de plaintes concernant le bruit.

Que peuvent les salles de spectacles indépendantes face à cela? Même dans le Quartier des spectacles, principal quartier culturel de la ville, aucun établissement n’est à l’abri des amendes liées aux plaintes pour bruit.

 

Pourquoi plus à Montréal et pas ailleurs?

La plupart des plaintes pour bruit sont émises dans la région de Montréal. En effet, vu la proximité des bâtiments, ce n’est pas étonnant que la métropole soit sujet à des résident.es mécontent.es de vivre à 100 mètres d’une salle de spectacle. L’avantage de vivre proche des quartiers vivants quand vient le temps de fêter peut vite devenir un inconvénient quand le calme et le silence sont souhaités.

MTL 24/24 vient d’ailleurs de publier son Guide des pratiques festives nocturnes montréalaises afin d’aider à comprendre et respecter les divers règlements et normes mis en place, notamment en ce qui concerne la réglementation visant les nuisances sonores. La section visée cite le Règlement sur le bruit de la Ville de Montréal comme quoi il est « spécifiquement prohibé lorsqu’il s’entend à l’extérieur (le) bruit produit au moyen d’appareils sonores, qu’ils soient situés à l’intérieur d’un bâtiment ou qu’ils soient installés ou utilisés à l’extérieur » (art. 9).

Pas facile à respecter quand les salles de spectacles jouent de la musique live toute la soirée. Le manque de flexibilité dans le règlement est la cause principale des amendes récurrentes pour certaines salles de spectacles.

N’y a-t-il pas des mesures spéciales pour les bars et salles de spectacles? Eh bien non, pas pour l’instant. Ils sont soumis au même règlement que tous les autres commerces, bâtiments et résidences de leur arrondissement ou de leur ville.

 

Et ailleurs au Québec?

L’historique des plaintes pour le bruit des spectacles en dehors de Montréal est beaucoup plus maigre et moins médiatisée. C’est en partie parce que, comparativement à Montréal, il y a moins de salles de spectacles et que celles-ci ne se retrouvent pas dans un seul quartier.

Ces plaintes sont davantage liées aux zones étudiantes, comme le bar La Fakulté, situé à Sherbrooke, proche du campus de l’université, qui a du mettre la clé sous la porte à cause des plaintes pour le bruit généré par ses client.es qui étaient souvent des étudiant.es.

La source du problème

On pourrait penser que le problème vient de la musique est trop forte, mais ce n’est pas le seul facteur dans ce problème. Dans le Guide de la bonne gestion du bruit généré par les bars, salles de spectacles et restaurants,publié en 2012 par l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal de la Ville de Montréal, les principales causes des plaintes étaient liées au bruit «musical» ainsi qu’aux bruits générés par les comportements et les déplacements des client.es.

 

Le bruit «musical»

Selon le guide, les principales causes du bruit «musical» seraient causées par :

  • les niveaux acoustiques trop élevés à l’intérieur de l’établissement ;
  • l’isolement acoustique déficient de l’établissement;
  • l’heure de l’animation musicale qui coïncide le plus souvent avec l’heure à laquelle les plaignant.es s’apprêtent à dormir ou dorment;
  • l’accroissement des niveaux sonores au cours de la soirée qui coïncide avec la diminution du bruit de fond, rendant le bruit issu de l’établissement plus facilement perceptible;
  • le contenu en basses fréquences de la musique et les limites de l’isolement acoustique de l’enveloppe des établissements : moins efficace pour les basses fréquences que pour les fréquences plus élevées;
  • les fenêtres et portes ouvertes des plaignants et les espaces extérieurs (jardins, cours) qui sont plus utilisés durant la saison estivale;
  • l’ouverture des fenêtres, portes de garage et portes de l’établissement.

 

Le bruit généré par les client.es

En règle générale, le guide soutient que les gens ont tendance à parler plus fort à la fin d’une soirée à cause d’une exposition prolongée à de forts niveaux sonores qui cause une perte auditive temporaire. Cependant, il existe d’autres causes de bruit liées aux client.es comme:

  • les regroupements des client.es à proximité de l’établissement : fumeur.ses devant l’entrée, file d’attente;
  • l’utilisation des terrasses par les client.es après leur fermeture;
  • l’augmentation des bruits à l’heure de fermeture des établissements en fin de soirée;
  • les bruits générés par les activités de fermeture : chargement des systèmes de sonorisation, klaxons, moteurs en surrégime, crissements des pneus, mise sous tension des systèmes d’alarme, etc.

 

Chaque salle de spectacle aura différents problèmes dépendant de l’insonorisation de son bâtiment, sa clientèle, son quartier, etc. Il est important de savoir les raisons principales du bruits pour essayer de trouver les solutions à ces problèmes.

Des solutions?

Des problèmes, des problèmes, mais y a-t-il des solutions? Il n’existe pas à priori de solutions magiques qui effaceraient les sources de bruit provenant des salles de spectacles, mais voici quelques pistes de solutions qui pourraient aider.

 

Une subvention temporaire

Afin de soutenir la vie nocturne montréalaise, la Ville de Montréal a lancé, en 2022, un programme d’aide à la réduction des nuisances sonores pour les salles de spectacles alternatives. Décliné en 2 volets, ce programme de subvention aide les établissements comportant moins de 400 places à réaliser des travaux recommandés par des études préalables. Ce programme, bien accueilli des SMAQ, est d’ailleurs encore en vigueur jusqu’à l’épuisement des fonds qui sont de 1,4 millions de dollars.

Le seul souci, c’est que ce programme est temporaire et offre un soutien financier de 100 000$ pour les deux volets. Dès que les fonds seront épuisés, les salles de spectacles devront se tourner ailleurs pour trouver de l’aide. Les rénovations d’insonorisation n’arrêteront également pas les avertissements et les amendes, puisque le voisinage pourra encore se plaindre, malgré les changements.

De plus, cette aide n’est accessible qu’aux salles situées à Montréal. Aucune aide n’est présentement disponible pour les salles à l’extérieur de la métropole.

 

Un terrain d’entente

En plus des améliorations d’atténuation de bruit, il faudrait une meilleure co-existence entre les résident.es et les salles de spectacles. En tant que résident.es ou locataires, il faut être conscient.e des activités de l’arrondissement choisi. Déménager d’un quartier résidentiel à un quartier plus vivant implique nécessairement plus de bruits. Si les salles de spectacles sont prêtes à faire les ajustements nécessaires dans leur établissement, les résident.es peuvent également faire leur part des choses.

Les salles de spectacles, quant à elles, peuvent essayer de respecter les heures de bruits qui commencent à 7h et finissent à 23h, surtout les jours de semaine, puisque les gens travaillent majoritairement du lundi au vendredi. Cette compréhension des jours de travail de la part des salles de spectacles permettrait ainsi aux résident.es vivant autour d’être plus indulgent.es si le bruit devient trop fort à leur goût.

Les client.es peuvent aussi contribuer à réduire le bruit autour de la salle de spectacle : ne pas rester longtemps dehors, essayer de ne pas parler trop fort, ne pas traîner autour à la fermeture. Ce sont de petites actions qui peuvent faire une grande différence.

 

L’assouplissement des règlements

Une salle de spectacle ou un bar, ce n’est pas une résidence ou un commerce. Ces établissements ne survivront pas s’ils doivent se conformer aux mêmes règlements concernant le bruit.

Des rumeurs circulent concernant la première politique sur la vie nocturne de la Ville de Montréal qui ferait du Quartier Latin la première zone ouverte 24 heures sur 24 dès 2024. Avec ce projet pilote, la Ville pourrait ajuster sa réglementation sur le bruit en s’adaptant en fonction des particularités de chaque arrondissement. Un changement qui donnerait plus de liberté aux salles de spectacles tout en respectant la quiétude des citoyen.nes.

Pour l’instant, ces changements ne sont pas effectifs, et la nouvelle politique sur la vie nocturne de Montréal devrait être annoncée au début 2024.

 

Instauration du principe de l’agent de changement

Ce principe réglementaire (qui n’est pas un rôle attitré à quelqu’un) existe déjà dans plusieurs villes dont Toronto. Le texte des règlements diffère de ville en ville, mais le principe reste le même : toute personne qui désire investir un nouveau bâtiment ou emménager dans un nouveau quartier doit prendre en compte ce qu’il y a autour.

Ce principe aiderait dans les cas comme celui de La Tulipe, qui a commencé à recevoir des plaintes lorsque l’ancien entrepôt de stockage adjacent à la salle s’est transformé en immeuble d’habitation en 2016. Résultat : la salle porte la responsabilité même si celle-ci opère depuis 1967!

Si les villes du Québec adoptent le principe de l’agent de changement, cela accorderait aux lieux de diffusions un certain droit acquis sur les personnes qui souhaite habiter dans les environs, leur permettant ainsi d’exercer leur fonction sans avoir peur de recevoir des plaintes. Cela enlèverait ainsi un fardeau aux salles de spectacles qui accusent des plaintes pour bruits malgré leur ancienneté. Cependant, ce même principe s’applique aussi pour les nouvelles salles de spectacle qui devront s’ajuster à ce qui existe déjà et insonoriser leur bâtiment pour respecter leur nouveau voisinage.

 

Les ordonnances

Les conseils d’arrondissement peuvent adopter des ordonnances afin d’autoriser des dérogations au règlement sur le bruit lors d’évènements. C’est grâce à cela que le Quartier des Spectacles peut s’animer tout l’été sans craindre de recevoir une amende salée. Bien évidemment, les ordonnances ne peuvent pas être données pour des activités régulières, mais peuvent s’avérer utile lorsqu’un événement a lieu dans une salle de spectacle.

Dans les faits

Que ce soit avec des locataires, des colocataires ou des voisin.es, la cohabitation peut être difficile. Les plaintes pour le bruit excessif est chose courante, même pour les salles de spectacles! Le problème, c’est que si la tendance se maintient, ces établissements établies à Montréal tomberont comme des mouches à cause des plaintes pour bruit.

Il est important de collectivement faire le plus possible pour préserver la vie nocturne de Montréal et d’aider les salles de spectacles tout en respectant les gens qui vivent autour.