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Table ronde : La gestion sonore des salles de spectacles
Table ronde : La gestion sonore des salles de spectacles

C’est dans le cadre de la Semaine du Son Canada, qui a eu lieu du 18 au 23 mars, que Les SMAQ a participé à une table ronde virtuelle, La Gestion Sonore des Salles de Spectacle, le mardi 19 mars. Dans un premier temps, Romain Dumoulin, acousticien et ancien technicien en contrôle du bruit de la Ville de Montréal, présentait sommairement le contexte montréalais : les enjeux réglementaires, les bonnes pratiques et certains cas d’études. Dans un deuxième temps, plusieurs représentant.e.s des salles de spectacles des SMAQ, soit Malick Touré (Ausgang Plaza), Sébastien Madani (L’Escogriffe), Xavier Auclaire (Le Ministère et Le Club Soda), Josh Gendron (La Cale) et Mauro Pezzente (La Casa Del Popolo et La Sala Rossa) ont pu partager les expériences qu’iels ont eu avec la Ville, la police ou leur voisinage. Cette table ronde était animée par Jon Weisz (directeur général des SMAQ) en tant que modérateur.

 

Sommaire du contexte montréalais – par Romain Dumoulin

Notions et concepts

La gestion du bruit dépasse le simple fait de réduire le niveau de bruit chez les voisin.e.s. En effet, la gestion du bruit touche trois aspects : la gestion et contrôle des niveaux sonore dans les salles (source), l’enjeux de l’isolation (chemin) et comment contrôler et gérer des nuisances sonores (chemin et récepteur).

Bien souvent, puisque la gestion sonore est rarement documentée et difficile à mesurer à travers le temps, on sous-entend que la gestion est exemplaire sans vraiment savoir si le niveau du son a augmenté depuis. Il est donc difficile de déterminer si un lieu de diffusion possède une bonne gestion du son constamment et si les bons outils ont été mis en place.

Lorsqu’il est question de gérer le bruit, il est toujours plus facile de travailler sur la source du problème. Dans le cas échéant, l’isolation constitue le problème, mais aussi la solution principale. Cependant, même si une salle de spectacle investit pour améliorer son isolation, rien ne garantit que les problèmes de bruit partiront. L’isolation nécessaire change selon le type de musique joué ainsi que de sa fréquence ; toutes les gammes de musique n’ont pas la même fréquence chez le/la voisin.e. De plus, dû à la proximité des bâtiments résidentiels, l’isolation chez les voisin.e.s impacte aussi la gestion du bruit. Une mauvaise isolation des bâtiments adjacents à une salle de spectacle peut contribuer à l’amplification du son et contribuer aux nombres de plaintes.

Un autre facteur, non quantifiable, est la perception du bruit par les plaignant.e.s. Si le/la résident.e ne trouve pas la valeur ajoutée de ce qu’iel entend, iel trouvera cela plus dérangeant. De plus, si le/la plaignant.e ne pense pas que le bruit est contrôlé ou ne voit pas de changement après s’être plaint.e, cela peut engendrer une plus grande frustration chez lui/elle.

L’idéal serait d’arriver à un compromis qui permettrait d’assurer la pérennité des salles avec des normes et un processus de gestion objectif  et prévisible. de plaintes, tout en minimisant l’impact du bruit sur les riverain.e.s. Le souci c’est que, en règle générale, cette solution ne satisfait pas complètement les deux parties, puisqu’un bon règlement sur le bruit en est un qui va mécontenter les deux parties de façon équitable.

De façon consensuelle, l’adoption d’un règlement avec des normes mesurables et objectives qui dépendent des spécificités de chaque salle est une nécessité. Comme avec n’importe quel changement dans le règlement, il faudra aussi favoriser une transition entre le vieux règlement et le nouveau. La suite des choses serait d’adopter le principe de l’agent de changement. De ce fait, après avoir fixé le niveau sonore d’une salle de spectacle, celle-ci s’engagerait à maintenir ce niveau. Un.e nouveau.elle promoteur.rice aurait accès à ce niveau sonore et devrait s’adapter pour ses futurs projets.

 

Contexte montréalais

Les exemples par excellence quand on parle des plaintes relatives aux bruits sont souvent le Divan Orange ou Les Bobards. Cependant, il faut prendre en compte que ces salles de spectacles n’avaient pas de permis pour opérer comme des salles de spectacles. Ce faisant, il n’existe pas d’exigences d’isolation pour les endroits qui veulent devenir des salles ; être une salle de spectacle ne garantit ainsi pas d’avoir une isolation exemplaire.

De plus, dans le cas du Divan Orange, aucune étude sur l’impact sonore n’avait été effectuée, montrant ainsi que la salle n’était peut-être pas consciente de son impact sur l’environnement sonore. Ainsi, le contexte réglementaire était difficile à appliquer, et les critères d’audibilité, subjectifs, difficiles à délimiter. L’agent.e de police devait donc se fier uniquement à ses oreilles pour appliquer le règlement.

Ce n’est également pas le mandat de la SPVM de faire un suivi. Son rôle est de répondre aux plaintes pour générer ou pas des amendes. Aucun plan de match ou suivi n’est élaboré pour vérifier que des mesures ont bien été prises à la suite d’une première plainte.

 

Discussion des représentant.e.s

Recours à la médiation

Plusieurs des salles présentes, situées dans des artères commerciales, passent par la médiation et le bon vouloir de leurs voisin.es. C’est le cas de La Cale, qui garde un bon rapport avec tous.tes ses nouveaux.elles locataires qui appellent le lieu de diffusion ou communiquent par texto en cas de problème. La Casa Del Popolo essaie elle aussi de garder une communication ouverte avec ses voisin.e.s, en répondant à leurs appels ou courriels et en les avertissant lorsqu’un spectacle pourrait être plus fort que la normale. Mauro Pezzente soutient que, souvent, il suffit de gérer les attentes et de montrer que les propriétaires de salles de spectacle sont avec les résident.e.s et les aident à vivre en harmonie.

L’Escogriffe se considère plus chanceuse ; ses voisins adjacents sont des locaux commerciaux qui ferment boutique à 17h. Ses voisin.e.s résident.e.s les plus proches sont séparé.e.s par une allée à l’arrière. Malgré cela, lorsqu’il s’agit d’effectuer un soundcheck ou tout autre activité en après-midi, la salle de spectacle convient avec les locaux voisins d’un créneau horaire à ne pas dépasser. L’important, selon Sébastien Madani, c’est d’enlever l’anxiété de l’inconnu et de ne pas briser le lien de confiance avec ses voisin.es avec qui il communique au moins une fois par semaine pour prendre des rétroactions et montrer qu’il se préoccupe de la situation.

Bien que la médiation soit un moyen efficace de trouver un terrain d’entente avec son voisinage, elle consomme beaucoup de temps pour les gérant.e.s ou propriétaires de salle qui se retrouvent davantage gérant.e de bruit que gérant.e de salle. De plus, le roulement constant dans les locations de résidences amène une certaine peur de tomber sur un.e locataire plus strict.e qui n’hésitera pas à contacter les services policiers avant les lieux de diffusion.

 

Plan de travaux

En ce qui concerne des travaux d’insonorisation, le Ausgang Plaza a fait venir un acousticien pour faire une analyse complète de leur salle en plus d’investir sur des travaux à l’intérieur de la bâtisse pour diminuer l’impact dans le mur des voisin.e.s, les hautes fréquences et les voix en plus de réduire l’impact de la basse. Malgré tous ces changements, des problèmes avec le bâtiment résidentiel adjacent surviennent encore. Cela est principalement dû au fait que le bâtiment résidentiel a été refait, mais sans prendre le temps de bien isoler. De ce fait, ce n’est pas que la musique du Ausgang Plaza qui semblent déranger ; des problèmes à l’interne tels que le bruit des systèmes d’aérations traversent les murs des habitations et troublent la quiétude des résident.e.s.

Au moment de combiner deux locaux en 2016-2017, L’Escogriffe est passée par un programme particulier d’urbanisme (PPU) en plus de présenter une étude de bruit à la Ville effectuée dans les bâtiments adjacents à la salle de spectacle. Celle-ci a également signé des lettres d’ententes avec ses voisins commerciaux immédiats pour que ceux-ci approuvent des futures occupations des locaux jumelés. Pour que la Ville accepte ces travaux, L’Escogriffe a investit beaucoup d’argent pour respecter le plus possible les normes de la Ville.

La Cale, quant à elle, voudrait insonoriser son bâtiment, changer les fenêtres et avoir un meilleur traitement pour la canalisation. Cependant, le projet n’est pas encore réaliste, car celui-ci est trop coûteux.

 

Opinions sur le projet de Politique de vie nocturne

Sur le projet de Politique de vie nocturne, les salles présentes s’entendent pour dire que, si la Ville désire transformer Montréal en ville culturelle, celle-ci doit être prête à agir en conséquence et protéger les rues commerciales. Malick Touré mentionne d’ailleurs le besoin de faire un moratoire sur les nouvelles constructions sans réglementation ; depuis quelque temps, plusieurs locaux commerciaux se font racheter puis transformer en résidence, car cela rapporte plus de profit. Cette gentrification concentre les commerces jugés nuisibles sur des zones plus petites et change le type de zonage de rues normalement commerciales telles que St-Hubert.

Xavier Auclaire rajoute également, sans loi qui encadre clairement, cela ne sert à rien d’aller de l’avant et de garder les commerces ouverts plus tard si la Ville est incapable de gérer le bruit déjà généré. Le représentant du Club Soda et du Ministère soulève également le problème que les plaintes sont souvent anonymes et peuvent donc émaner de quelques personnes qui s’acharnent, par exemple, à fermer une salle de spectacle pour leur propre quiétude, sans redouter quelconques conséquences.

Somme toute, cette table ronde a permis d’ouvrir la discussion sur un sujet d’actualité important en identifiant les défis auxquels font face les salles, leurs besoins et quelques pistes de solution, en plus de permettre aux représentant.e.s des salles présentes de partager leurs expériences et de mettre l’accent sur des constats propres au contexte montréalais.