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Écouter ses oreilles: l’importance de la santé auditive
Écouter ses oreilles: l’importance de la santé auditive

Malgré l’avancée de la science, il y a une chose que l’être humain ne peut empêcher: vieillir. Avec l’âge, nos cinq sens se détériorent, deviennent de moins en moins efficaces et fiables. Au cours de notre vie, il est possible d’accélérer la dégradation de nos sens, notamment l’ouïe.

Pour tous·tes travailleur·se·s de la scène musicale ou artistes, l’ouïe est un outil essentiel pour leur travail. Malgré cela, la santé auditive est souvent un enjeu qui n’est priorisé ni en culture ni par la population générale. Pourtant, la perte auditive liée au bruit peut facilement être prévenue si des mesures préventives sont mises en place le plus tôt possible.

 

La santé auditive, ça implique quoi?

Avant propos

Avant de parler de santé auditive, il est important de parler du système auditif et de comprendre comment celui-ci fonctionne. En effet, le système auditif est divisé en quatre sections distinctes: la partie externe, qui est visible, l’oreille moyenne, qui comprend le tympan et les trois osselets de l’oreille, l’oreille interne et le système auditif central, situé dans le cerveau, qui s’occupe d’analyser et d’interpréter les sons et la musique.

 

 

Bien que chaque partie ait un rôle à jouer dans le système auditif, c’est l’oreille interne qui est le véritable organe sensoriel et qui est, entre autres, responsable de l’audition. Cette partie auditive est composée du nerf auditif et de la cochlée, une structure osseuse en forme d’escargot, remplie de liquide dans lequel baignent environ 15 000 cellules ciliées. Ces cils sont chargés de percevoir le son envoyé par la chaîne d’osselet, puis de le transmettre au cerveau sous forme de signal électrique.

 

Les causes

Un problème dans n’importe quelle partie de l’oreille peut causer une perte auditive. Les causes les plus fréquentes sont le vieillissement, l’exposition au bruit, l’accumulation de cérumen (cire d’oreille) et les infections de l’oreille (particulièrement chez les enfants et les jeunes adultes). Si le vieillissement et le bruit causent des pertes auditives permanentes, l’accumulation de cérumen et les infections sont souvent temporaires, à moins que l’on soit sujet·te à des infections récidivantes de l’oreille.

 

Image tiré du Gouvernement du Canada

 

L’exposition au bruit peut endommager l’oreille interne de manière permanente, puisque la cochlée possède un nombre limité de cellules ciliées et que celles-ci ne peuvent pas se régénérer. Une fois endommagées, ces cellules se détériorent plus rapidement et finissent par mourir définitivement.

Le bruit est mesurable selon deux paramètres: la fréquence, qui indique le nombre de vibrations par seconde en Hertz (Hz) et l’intensité, qui indique l’amplitude de la vibration en décibel (dB). Les dommages causés par le bruit ne sont cependant pas dus à la fréquence ; les fréquences faibles ne sont pas plus dommageables que les fréquences plus élevées et vice-versa.

 

 

Ce sont plutôt l’intensité et la durée du son qui sont les principaux facteurs à prendre en compte lorsqu’il s’agit de l’exposition au bruit. En effet, l’Organisation mondiale de la santé a établit que le son en dessous de 75 dB ne portait aucun risque pour l’audition. De plus, 80 dB est la limite sécuritaire recommandée pour une période de 8h. Pour chaque augmentation de l’intensité du bruit de 3 dB, il faut diminuer le temps d’exposition de moitié. Ainsi, 83 dB est sécuritaire pendant 4 heures, 86 dB, pour 2 heures, 89 dB, 1 heures, et ainsi de suite. À partir de 120 dB, le système auditif atteint son seuil de la douleur et le dommage se fait rapidement. Si le dommage peut s’installer au fil du temps, il suffit parfois d’une exposition à un son trop élevé pour causé un problème auditif à long terme.

 

Gazette Officielle du Québec, 16 juin 2021, 153ème année, n°24

Les conséquences

Que ce soit dans un concert, au travail, à l’extérieur ou durant un loisir, les conséquences sont les mêmes.

L’acouphène (temporaire ou permanent) est souvent le premier symptôme ressenti. Ce battement dans l’oreille est un des deux symptômes les plus prévalents avec la perte auditive qui peut également être temporaire ou définitive. L’hyperacousie est aussi un trouble fréquent qui se manifeste par une hypersensibilité au bruit, accompagnée ou non d’une gêne ou de douleur. Cette exacerbation des sons mène généralement à une fatigue auditive, c’est-à-dire une fatigue mentale, physique et émotionnelle due à la surcharge cérébrale liée à l’écoute. D’autres conséquences qui peuvent survenir sont la sensation d’avoir les oreilles bouchées ou bien la privation sensorielle, soit la perte de sensibilité où les sons deviennent flous et la compréhension de la parole devient plus difficile.

La perte auditive cause bien plus de problèmes que l’incapacité permanente et graduelle à entendre. Une des premières conséquences touche la santé mentale. En effet, la perte auditive est un facteur de risque pour des problèmes cognitifs à long terme et provoque des problèmes au niveau de la communication. La personne atteinte de trouble auditif a du mal à se concentrer, à suivre une conversation ou à participer à des activités sociales, entraînant de l’isolement social, de la déprime, de la frustration, de la gêne, une diminution de l’estime de soi et du stress. Cela cause non seulement de l’anxiété pour la personne sujette à la perte auditive, mais aussi pour son entourage, impactant ainsi sa relation avec ses proches. Endommager l’oreille interne, qui est responsable de l’équilibre, augmente également les risques de chutes.

 

La santé auditive en culture

Certaines expositions au bruit, comme un·e voisin·e qui entretient sa cour, de la construction ou une alarme incendie font partie du quotidien et sont difficiles à prévoir et à contrôler. Cependant, d’autres expositions sont davantage prévisibles, ce qui permet de mieux protéger son audition au préalable. C’est notamment le cas lorsqu’on écoute de la musique dans des écouteurs, à bord d’un véhicule ou lors d’un spectacle, autant en tant que spectateur·rice qu’artiste.

Beaucoup de personnes tendent à penser que les genres de musique dits doux comme la musique classique ou le folk sont moins à risque d’endommager l’audition que les genres dits intenses tels que le rock ou le heavy métal. Pourtant, un décibel est un décibel, peu importe le genre de musique. C’est l’intensité sonore de la musique qui impacte l’audition et non le genre de musique.

De plus, la configuration de l’environnement a un impact sur l’exposition au bruit. Ce constat s’applique aux scènes extérieures, aux théâtres, aux lieux de diffusion indépendants et aux salles de concert de grande taille. Par exemple, certaines positions dans un orchestre symphonique vont être plus exposées au bruit à cause des échos et des réverbérations causés par les instruments adjacents. Aussi, se placer proche des haut-parleurs peut être plus dangereux pour l’audition, autant pour les spectateur·rice·s que les musicien·ne·s.

 

Une pratique peu courante

Malgré les dangers accrus que comportent les métiers des arts de la scène pour l’audition, la santé auditive reste un tabou, surtout en musique. Lors du panel «Santé auditive et musique: lever les préjugés pour mieux se protéger», dans le cadre de la Journée nationale de l’audition du Québec 2024, Sandra Contour explique que, même si les oreilles sont un outil important pour les musicien·ne·s, plusieurs ont peur de parler de ce sujet et vont normaliser la perte auditive, acceptant ainsi qu’elle soit une conséquence directe de leur carrière.

Cependant, de nombreux·ses musicien·ne·s ne pensent pas à protéger leurs oreilles, parce qu’iels ne sont pas tous·tes au courant des bonnes pratiques à adopter. Les spectateur·rice·s et les musicien·ne·s ne s’attendent pas à ce que le son soit aussi fort et ne pensent pas à se munir de protections auditives avant de se rendre à un spectacle. De plus, il est rare que les bars et salles de spectacle en fournissent.

Le manque d’accessibilité, mais aussi le manque de sensibilisation nuit à la normalisation de la protection auditive. Si certaines industries de la construction ou manufacturières prévoient des ateliers de dépistage auditif pour leurs employé·e·s, cette même approche n’est pas courante dans le secteur musical. Jon Weisz, directeur général des SMAQ, affirme n’avoir pas vu d’initiative collective ou communautaire similaire en 20 ans dans le milieu culturel. La santé auditive repose souvent uniquement sur la personne ou la bonne volonté des gens.

Par exemple, en 2017, La Presse s’était interrogée sur la question de la santé auditive et avait noté une différence dans les conditions de travail des musicien·ne·s de l’Or52chestre Métropolitain (OM) et l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM). Alors que l’OSM semblait fournir une paire de bouchons spéciali.sées, la responsabilité reposait sur les musicien·ne·s de l’OM pour procurer des protections auditives.

 

Du pain sur la planche

Le secteur culturel, notamment en musique, devrait mettre de l’avant des pratiques qui encouragent l’entretien de la santé auditive, pour les artistes, les travailleur·se·s culturel·le·s et les spectateur·rice·s. Pour ce faire, il est important de sensibiliser les acteur·rice·s de l’industrie et de les mobiliser afin de développer des initiatives collectives telles que des campagnes de sensibilisation, la distribution de bouchons dans les lieux de diffusion, l’ajout de zones de repos dans les festivals ou des formations sur la gestion des niveaux sonores.

En ce qui concerne les lieux de diffusion, insonoriser le bâtiment est un enjeu qui va au-delà de la santé auditive. Une salle bien isolée minimise les résonances et les échos indésirables tout en empêchant le son de s’échapper vers l’extérieur, permettant aux technicien·ne·s du son de mieux contrôler les niveaux sonores à l’intérieur. En plus de tout cela, une meilleure insonorisation des lieux aiderait également à réduire les plaintes de bruit.

Malheureusement, il y a très peu de ressources qui soient disponibles pour atténuer l’intensité du son dans les salles de spectacles. De plus, les subventions pour insonoriser les lieux existent dans le but de protéger les voisin·e·s et réduire les plaintes de bruit et non pour protéger la santé auditive des consommateur·rice·s de musique.

 

Comment protéger ses oreilles?

Que l’ouïe fasse partie de notre métier ou non, la protéger devrait être une priorité au quotidien. De plus, de toutes les causes de la perte auditive, l’exposition au bruit est la seule qui peut être prévenue.

 

Image tiré du Gouvernement du Canada

 

Réduire le bruit

Le premier réflexe pour protéger son audition devrait toujours être de réduire le bruit. Il n’y a pas de limite de temps lorsque le volume de sa musique dans sa voiture ou ses écouteurs est en dessous de 75 dB. Diminuer l’intensité atténue grandement le risque.

Bien sûr, il y a des instances où le bruit est hors de notre contrôle et ne peut pas être réduit. C’est dans ces moments là que la protection auditive devrait être employée afin de prévenir la perte auditive.

 

Investir dans des protections auditives

Il existe une panoplie de protections auditives différant en efficacité et en prix.

L’option la plus commune et qui est facilement trouvable dans n’importe quelle pharmacie est le bouchon en mousse. Ce type de bouchons atténue très peu le bruit, mais reste une meilleure solution que de ne rien porter. Le problème avec ces bouchons, c’est qu’ils sont difficiles à mettre et que, si ceux-ci sont mal insérés, leur efficacité est presque nulle. Des bouchons en cire sont également disponible en pharmacie et sont plus malléables que les bouchons en mousse.

Il existe aussi des protections moulées à l’oreille. Réalisées par un·e audiologiste ou un·e audioprothésiste qui prend un moule du conduit de l’oreille, ces protections peuvent coûter une centaine de dollars. Cette option est plus confortable qu’un simple bouchon en mousse et est plus facile à placer dans l’oreille. Les bouchons moulés peuvent également être équipés d’un filtre qui amène moins de distorsions dans la musique.

Certains bouchons offrent une protection intelligente qui réduit certains décibels tout en laissant passer les sons plus faibles, ou qui bloquent le son ambiant pour ne capter que la parole. Ces protections auditives sont cependant plus coûteuses.

Le plus important à se rappeler lorsque vient le temps d’acheter des protections auditives, c’est que nos oreilles n’ont pas de prix. Il est bon de savoir qu’il n’y a pas de limite de temps pour porter des protections auditives. Il est important aussi de garder ses protections tout au long de l’exposition au bruit. Les enlever, même temporairement, réduit considérablement leur efficacité.

 

Les dépistages auditifs

Plusieurs applications gratuites ou site Internet sont disponibles pour effectuer des tests auditifs et évaluer rapidement la santé de vos oreilles. Cependant, si vous constatez un changement significatif dans votre audition, un dépistage auditif auprès d’un·e professionnel·le de la santé auditive sera requis pour une évaluation complète de votre audition.

 

Répartir son horaire

Une façon simple de préserver son audition est de prendre des pauses de bruit. Ainsi, répartir son horaire et prévoir quelques heures sans expositions de bruit entre deux pratiques ou spectacles laisse aux oreilles le temps de se reposer et de récupérer.

 

Éviter de fumer

Selon une enquête menée par l’OMS, les fumeur·se·s sont 15% plus à risque de développer une perte auditive que les non-fumeur·se·s. Le tabac peut s’avérer néfaste sur la santé auditive en raison de la présence de nicotine et de monoxyde de carbone. En effet, la nicotine interfère avec les neurotransmetteurs du nerf auditif qui sont notamment responsables d’informer le c2erveau sur la nature des sons que nous entendons. Le monoxyde de carbone, quant à lui, baisse les niveaux d’oxygène dans notre sang en resserrant les vaisseaux sanguins. Cela a pour effet de réduire l’oxygène envoyé aux différents organes du corps, dont l’oreille interne.

 

Conclusion

Le bruit fort, que ce soit dans la rue, durant une activité ou au travail, fait partie de notre quotidien et peut nous affecter sur le long terme lorsque des mesures préventives ne sont pas prises.

Pourtant, la santé auditive est un sujet qui est souvent évité dans le secteur musical pouvant parfois entrer par une oreille et sortir par l’autre. Pourtant, ce n’est pas parce qu’on ne voit pas les conséquences de la perte auditive que celles-ci ne se font pas sentir.

Il vaut mieux prévenir la perte auditive, car on ne peut pas la guérir.

 

Envie de participer à une enquête sur la santé auditive? Les SMAQ et l’Université Laval ont lancé une grande étude sur les risques auditifs chez les travailleur·euse·s des scènes de musique alternatives du Québec. Tu te sens concerné·e et souhaites y participer? Rends-toi sur la plateforme Redcap pour contribuer à notre étude. Suis le lien et entre le code DHJXFX8N9 pour commencer. Attention, le formulaire ne sera plus accessible après le 31 octobre 2024!

 

Sources

Santé auditive et musique : lever les préjugés pour mieux se protéger (2024). Audition Québec. https://auditionquebec.org/jnaq-2024-rediffusion-sante-auditive-et-musique/

Exposition au bruit en milieu de travail (2023). APTS. https://aptsq.com/media/6694/fiche-sst-bruit-janvier-2023.pdf

Surdité et déficience auditive : écoute sans risque (2024)Organisation mondiale de la santé. https://www.who.int/fr/news-room/questions-and-answers/item/deafness-and-hearing-loss-safe-listening

Bruit et son : Perte auditive et l’acouphène (2024). Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/bruit-votre-sante/perte-auditive-acouphene.html

Les conséquences d’une perte auditive non traitée. Clinique auditive Lamarre & Lafantaisie.https://www.entendezvous.ca/consequence-perte-auditive

Perte auditive (2024). Le Manuel MSD. https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-du-nez,-de-la-gorge-et-de-l%E2%80%99oreille/hypoacousie-et-surdit%C3%A9/perte-auditive#%C3%89valuation_v7538409_fr